Jour 1 - mardi 26 avril 2022
« Encore ? Non, je ne peux pas te laisser dire une chose pareille. Deux mois tu dis ? Laisse moi calculer… ah oui, c’est juste, nous sommes partis la dernière fois il y a deux mois. Bon. Il faut ce qu’il faut. Et entre nous, ce n’était pas vraiment la même chose. Comme la glace et le feu, tu vois ? Deux voyages qu’on ose à peine comparer. Deux mondes différents. Finalement, cela ne compte pas vraiment.
Je préfère être claire, la vie est trop courte pour rester sur les terres helvétiques, et le monde est si grand à explorer. Qu’est-ce que tu dis ? Que j’entretiens du suspens ? Peut-être, tant que tu ne dis pas que j’aime m’écouter parler. Pour répondre à ta question, nous allons déplacer nos carcasses sous le soleil cubain. Et en rythme, s’il te plaît. Là-bas, un coup de rumba, un air de cha cha cha et voila déjà que nos corps se désengourdissent rien que d’y penser. Et comme on dit là-bas : Asta Luego. »
Les choses sont un peu moins magiques quand le réveil sonne à 5h30, nous tirant d’un sommeil lourd, sans rêve. A deux, en cumulant nos heures nous n’arrivons même pas à obtenir une nuit décente. Sacs sur le dos, nous marchons les quelques centaines de mètre qui nous séparent de la gare de Gland. Nous nous frayons une place au milieu des personnes partant travailler. Le contraste est amusant, sûrement plus pour nous, que pour eux.
Nous partons en direction de l’aéroport de Zurich, faisant un changement unique à Morges avant d’arriver à destination sans détour. Partir depuis la ville suisse-allemande nous permettait une belle réduction des coûts avec la somme d’environ 500.- par personne. Les trois heures de train filent entre nos doigts sans que nous en captions la durée, et nous atteignons la zone aéroportuaire à 9h15.
Nous atterrissons en fin de matinée à Madrid, ville d’escale. Nous avons 28 minutes à marcher afin d’atteindre la bonne voie d’embarquement. Autant dire que cet aéroport est juste immense. Cela \240nous laisse le temps de manger une morce avant de monter à 15h45 dans le Boeing aux cinquante-trois rangées de neuf sièges. Un beau bébé. Il y a 8h45 qui nous sépare de La Havane.
Ce n’est vraiment pas plus mal d’avoir du temps, car nous avons peu accordé de temps à la préparation de notre itinéraire et de nos activités (pour changer). En effet, nous avons réservé nos billets d’avion mercredi passé, ainsi que les deux premières nuits dans la capitale cubaine. Nous prenons petit à petit conscience de la particularité de cette île. En effet, il y a beaucoup d’aberrations à nos yeux d’européen. Première chose, j’ai toujours eu l’habitude de réserver les logements via « Booking ». Et en l’occurrence, c’est la première fois que je vois qu’il n’y a aucun logement enregistré pour un pays. Étrange. Je finis par trouver des possibilités avec « Ebookers ». En réalité, les hôtels n’existent pas, ou peu. Ils appartiennent à l’état et coûtent extrêmement chers. Ici, il faut se loger dans des « casas particulares ». Des sortes de maison d’hôte. Je suis curieuse de voir ce que cela va donner.
Avant de réserver, nous n’avions pas réalisé à quel point l’équilibre du pays est fragile et à quel point la pandémie récente a contribué d’autant plus à cette fragilité. Il y a quelques mois encore, il y avait deux monnaies. Le CUC, le peso convertible, était une monnaie dédiée aux touristes. Le CUP, le peso cubain, à l’inverse était exclusivement réservé aux locaux et peu accessible aux touristes. Aujourd’hui, il n’y a plus que le CUP, le peso cubain. La valeur serait de 25 peso pour un franc suisse.
Nous avons lu à de nombreux endroits qu’il fallait avoir beaucoup de cash sur soit, que les retraits n’étaient pas garantis, onéreux et complexes. Je n’aime pas particulièrement avoir beaucoup d’argent sur moi. Nous avons pris 500 euros chacun en cash. Cela pourrait être suffisant pour une partie des déplacements, la nourriture, les activités. Cependant, je ne pense pas que nous avons assez si nous devons inclure les logements dedans. Affaire à suivre.
L’avion est plein, contrairement à ce que nous avons pu avoir par le passé, notamment l’année dernière avec la pandémie encore bien présente. Le trajet me permet de commencer et finir un petit roman de deux cents pages, de lire quelques pages de notre guide sur Cuba et de faire une sieste entrecoupée de réveil dû à l’inconfort.
Le géant métallique se pose sur les terres cubaines avec l’enveloppe du soleil couchant. Il est 19h25, heure locale, alors que la Suisse se trouve déjà au jour d’après puisqu’il est 1h25.
Lorsqu’on se trouve à la cinquantième rangées, il faut s’armer de patience, d’autant plus quand il y a juste la porte avant de l’avion qui est ouverte.
C’est toute une histoire pour réussir à passer le contrôle des passeports et visas. Le temps d’attente est particulièrement long. Pareil pour les bagages. Je suis surprise du nombre de valise emballée dans du cellophane, je n’en avais jamais vu autant. Les bagages continuent de déferler sur le tapis alors que l’avion a atterri il y a déjà une heure et demi. Improbable. Mon cœur rate quelques battements quand le mécanisme s’arrête et que mon sac à dos n’est nul part à l’horizon. Aurélien le trouvera finalement sur le tapis d’à côté, en provenance du Mexique…
Bref, tout est bien qui fini bien. Nous sortons enfin du bâtiment. L’atmosphère alourdit par l’humidité nous enveloppe comme une couverture. Nous trouvons un endroit pour faire du change. J’avais plusieurs avis contraire. D’une part le guide écrit qui nous affirme que le change est globalement partout le même, et les témoignages sur les réseaux sociaux qui nous conseillaient de ne pas changer à l’aéroport. Nous décidons quand même de changer la moitié de notre argent, et obtenons un peu plus de 6300 CUP.
Il y a pleins de taximan qui nous sautent dessus. Un classique. Vu l’heure tardive, il est passé 21h, nous n’avons pas la force de négocier et prenons finalement la course pour 25 euros. Ils ne prennent qu’en dollar ou en euro… j’imagine que c’est nettement plus avantageux pour eux. Et j’espère aussi qu’on arrivera à utiliser notre argent cubain.
Le taxi part à vive allure, fenêtres ouvertes , radio à fond. Nous ne sommes pas attachés puisqu’il n’y a pas de ceinture. Difficile de se faire une opinion de la ville avec la nuit qui est tombée et le taxi qui file sans que nos regards puissent s’attarder.
Après avoir ralenti et parcouru un labyrinthe de petite rue à sens unique, nous y arrivons enfin. Je suis à des kilomètres de ce que j’avais imaginé. Bon, je ne sais pas vraiment ce que j’avais imaginé, mais pas ça. L’éclairage est quasi absent, les rues désertes ou parsemées de cubains assis sur le trottoir. Nous ne sommes pas dans des rues touristiques. Nous reconnaissons la « casa particular » grâce à son panneau discret.
Nous sommes accueilli à bras ouverts par la propriétaire, une femme d’une quarantaine d’année, dont je serais incapable de retranscrire son nom. Elle vit dans cette maison avec sa maman, son mari et leur enfant de 7 ans. La maison se compose sur trois étages, tout en étant particulièrement étroite. Nous entrons par le salon où un scooter y est garé. La pièce montre qu’il y a eu un effort de décoration et les couleurs se déclinent en rouge et noir. L’escalier qui monte à l’étage est si raide et étroit que je me concentre particulièrement en essayant de voir à travers mon gros sac que je porte à bout de bras. Nous découvrons notre chambre. La pièce principal est toute petite et contient un lit double et un lit simple. Il y a une salle de douche et un petit coin cuisine. Il y a une toute petite fenêtre rectangulaire vers le plafond. Je ne pense pas que cela apporte grande lumière, mais qu’importe. L’endroit est propre.
La cubaine nous amène au dernier étage de sa maison, qui est le rooftop. Il y a un petit bar et une petite piscine. Tout est aussi petit dans cette maison, que bien pensé. Depuis cette hauteur, nous nous rendons compte du contraste frappant avec les bâtiments autour de nous qui tombent en ruine.
L’endroit est visiblement sûr, et nous repartons dans la rue après avoir posé nos bagages. Je trouve que c’est toujours très difficile d’arriver de nuit dans un pays. L’endroit semble obscure plus qu’autre chose. Il est 22h00 passés. Beaucoup d’enseignes sont fermées, les chiens et chats font les poubelles et nous sommes les seuls touristes ou presque.
Nous passons devant le capitole, qui ressemble à son homonyme nord américain. La version cubaine est un poil plus haute et plus longue. Ce bâtiment a été créé en 1926, a demandé l’investissement de 17 millions, et le travail de 5’000 ouvriers durant 3 ans, 3 mois et 20 jours. Il faut dire que c’est une réussite. Tout autour il y a de grandes statues et de jolis arbustes. Les lumières ont été stratégiquement placées afin de faire ressortir au mieu les traits de l’architecture. Aujourd’hui, il héberge l’Académie Cubaine des Sciences et la Bibliothèque National des Sciences et de la Technologie.
J’avoue être perplexe face à la beauté de ce monument. En effet, il me suffit juste de faire un demi-tour, pour que mon regard se pose sur les bâtiments juste en face. Je reconnais un certain style colonial qui devait être plus marquant un demi-siècle plus tôt. Aujourd’hui, tout part littéralement en ruine. Je ne sais pas ce qui attire le plus mon attention. D’un côté, le luxe et d’un autre la fascination d’une œuvre en perdition. Mon esprit suisse a toujours eu de la peine à comprendre comment un bâtiment pouvait se dégrader autant. Et surtout, comment il était possible de laisser des gens vivrent là-dedans.
Un des bâtiments, haut de trois étages, semble condamné à premier vue. De l’extérieur, il y a des poteaux qui tentent tant bien que mal de maintenir les balcons étroits afin qu’ils ne s’écroulent pas sur le trottoir. La plupart des fenêtres sont cassées et ouvertes au monde, il y a juste un endroit, sur les trois étages où une petite lumière se dégage, preuve qu’il y a encore un semblant de vie.
Nous poursuivons notre route jusqu’à tomber sur une rue animée. Nous en parcourons la longueur. Là encore, nous sommes les seuls touristes face aux locaux. Je ne me sens ni en sécurité, ni en danger. Je n’ai pas l’impression que les personnes autour de nous nous prêtent attention. A dire vrai, je n’ai pas la sensation d’être à ma place. Je sens aussi la fatigue qui rend lourde chaque parcelle de mon corps, le phénomène étant accentué par la chaleur encore palpable malgré la nuit tombée.
Nous ne trouvons pas de restaurant. Les seules choses ouvertes sont des take-away principalement des pizzas et burgers. Aurélien prend une pizza qui ne me donne pas envie. Dans l’attente de sa préparation, j’observe la chienne errante, avec ses mamelles disproportionnées, preuve de multiple gestation, qui fouille une poubelle à nos pieds, répendant son contenu sur le sol, et faisant monter des relents d’odeur qui me soulève un haut-le-cœur. Concernant les prix, la pizza coûte 6.- alors que le Pepsi coûte le même prix. Fait étrange aussi, impossible de trouver une bouteille d’eau sur les quelques bouibouis que nous interrogeons. Je me rebats sur un Pepsi hors de prix.
Nous entamons la marche du retour jusqu’à notre casa. Il est 23h00. Le temps d’une douche et nous sombrons rapidement dans les bras de Morphée.
Jour 2 - mercredi 27 avril 2022
Avec le décalage, nous nous réveillons à 7h00, alors qu’il est 13h00 chez nos amis les européens. Nous traînons tout de même dans le lit jusqu’à 9h00, heure à laquelle nous nous habillons et sortons.
La lumière ne rend pas les rues moins glauque, bien au contraire. Nous sommes rapidement agressés par le brouhaha de la rue. Nous prenons encore plus conscience de notre quartier et de l’état de délabrement des bâtiments.
Nous repassons devant le capitole jusqu’à accéder à un petit parc où sont garées plusieurs voitures américaines des années soixante. Après discussion et légère négociation, nous convenons d’une balade guidée de deux heures entre la nouvelle Havana et la vieille Havana. Le tout pour 70.- pour deux personnes. Je pense qu’on aurait pu négocier plus bas. Nous avons donc un chauffeur et un guide, Ariel un homme d’une quarantaine d’année, parlant couramment anglais.
Et c’est parti au bord de notre vieille Chevrolet décapotable ! Ambiance garantie. L’intérieur ferait frémir nos services des autos suisses. Le compteur de vitesse a rendu l’âme et notre chauffeur se cale simplement au rythme des autres automobilistes. Les banquettes blanches s’affaissent sous nos poids et nous sentons les ressorts rebondirent sous nos fesses.
C’est une façon chouette et unique de visiter la ville. À pied il est possible d’en voir une partie, mais elle est bien trop grande pour en saisir tous ces aspects.
Les cheveux au vent, les effluves de carburant qui dansent autour de la vieille bagnole, et les paysages défilent sous nos yeux intrigués.
Nous passons dans le quartier chinois, qui n’a de chinois que son arche et quelques guirlandes typiques. Là bas, on y mange plus italien qu’autre chose.
Nous voyons l’hôtel de police, un grand bâtiment bleu bien entretenu qui contraste avec les bâtiments proches qui se fissurent dans tous les sens. Nous commençons bien en faisant un stop dans un magasin de cigare et d’alcool où Aurélien craque.
Nous faisons un stop sur la place de la révolution. Depuis là, nous pouvons admirer deux bâtiments où est dessiné le Che et Castro. Y’a pas à dire, ça a de la gueule.
Pour le prochain arrêt, nous nous arrêtons dans une étendue de verdure à l’ouest de la Havane, loin de l’effervescence de la ville. « El Bosque », c’est son nom. Ici la rivière qui coule s’appelle la « Rio Almendares ».
C’est l’occasion de boire un mojito et une Piña Colada à même un ananas. Bon je rappelle qu’il est 11h, que nous n’avons pas déjeuner et que je n’ai pas mangé depuis la veille midi, ça monte vite au crâne ! Notre guide nous parle du terme “Borracho” qui désigne une personne alcoolisée.
Nous reprenons la voiture, nous nous faufilons dans le trafic et retrouvons gentiment la civilisation avec un stop sur le Malecón. Cette dernière désigne une promenade de 8 kilomètres au bord de l’eau.
Durant notre périple, Ariel nous explique que beaucoup d’hôtel ont fermé suite au Covid. Le plus étonnant, c’est que la plupart de ces hôtels là sont luxueux. C’est étrange de voir des bâtiments aussi beaux fermés.
Nous faisons un dernier stop du côté de l’église catholique dans la vieille Havane. Entouré de pavée, l’endroit ne fait pas exception aux bâtiments en perdition.
Pour terminer, le guide nous pose dans un restaurant pour manger, avant de nous quitter.
Nous sommes dans le « El Guajirito ». L’endroit n’a pas plus de charme. Il est populaire, car il a une salle de danse et de spectacle pour le soir. Je commande du poisson et Aurélien du bœuf. Les plats sont corrects. Lors de l’addition, nous constatons deux choses. C’est hors de prix pour ce pays. Nous payons 63 euros pour deux plats et deux petites bières. Deuxièmement, le prix en peso ne correspond pas au taux de change que nous avons. Avec notre taux, le prix serait équivalent à 200 euros. Nous sommes perplexes.
Nous comprenons plusieurs heures plus tard que nous avons commis une grosse erreur en changeant à l’aéroport. Alors que le guide écrit disait qu’il n’y avait pas de différence, c’est loin d’être le cas. Nous avons changé 1 euro pour 25 pesos à l’aéroport. En réalité, en ville nous pouvons obtenir un taux à 1 euro pour 80-110 \240pesos. Et forcément, les restaurants et autre s’alignent à ce prix. C’est dingue. Jamais je n’aurais pu imaginer une telle différence. C’est incensé. D’autant plus que sur tous les changes officiels, et ceux que nous retrouvons sur internet sont à 1 euro pour 25 pesos, le même change qu’à l’aéroport.
Après le repas, nous marchons jusqu’à la casa pour une marche digestive. Il est presque 14h00 et nous sommes accueilli par le chien miniature de la famille, une sorte de chihuahua, lorsque nous pénétrons dans la demeure. Entre la chaleur et le décalage horaire, nous décidons de faire une sieste de 2h qui nous fait le plus grand bien. Dans la foulée, nous réservons également notre casa pour les deux jours suivants. Ça sera à suivre demain !
Afin de se réveiller en douceur, nous enfilons nos maillots de bain et filons sur le toit. Nous sommes seuls, à l’exception du petit chien qui vient nous dire bonjour à plusieurs reprise. Le soleil se fait timide derrière les nuages. Les façades des bâtiments qui nous surplombent sont toutes en ruine. L’endroit est particulier, un style unique. Entre les plantes, la taule, le bois et les briques, nous barbotons dans la petite piscine au cadre improbable. Nous entendons les bruits de la rue qui remonte à nos oreilles comme un rêve lointain. La musique flotte dans l’air et se fraie un chemin jusqu’à nous.
Un peu avant 18h00 nous ressortons. J’ai repéré quelques restaurants sur internet. Nous parcourons les rues de la vieille Havane. Je crois que je ne me suis jamais autant promener sans guide dans ce genre de quartier. Nous sommes au cœur de la vie Havane. Des enfants courent dans les rues jouant avec des cailloux, des chats se planquent sous les voitures garées, les chiens, aux assemblages mixtes, trottent suivant un itinéraire qui leur est propre, les bâtiments oscille entre un état « entièrement de ruine » et un état « en cours d’auto-destruction », les voitures, scooters, charrettes, vélos, tricycle, filent à vive allure dans les rues étroites à sens unique, frôlant de peu les piétons qui n’ont d’autre choix que de marcher sur les routes, les trottoirs étant trop défoncés. C’est un énorme chaos. Et finalement, c’est un chaos qui a son harmonie. Certes une harmonie précaire, mais une harmonie tout de même.
Dans tout ça, nous sommes quasiment les seuls touristes, il est rare d’en croiser d’autres. Nous finissons par tomber sur le bar-restaurant « Mojito-Mojito ». Le nom l’obligeant, nous en prenons un version tropicale. Là encore, c’est le malaise des prix, puisqu’avec notre taux de change de l’aéroport, il nous revient à 10 euros, alors que quelques heures plus tôt, j’en ai consommé un pour le somme de 5 euros. L’ambiance est sympa, il y a un groupe de musique latino qui mette le feu aux quelques touristiques venus se ressourcer à cet endroit. La carte propose des mets arrosés de Mojito.
Nous décidons finalement d’aller voir un peu plus loin et retournons dans les ruelles. Après un bon kilomètre, nous arrivons devant « Il Rustico », un restaurant italien très réputé. Nous sommes accueillis par un immeuble désaffecté aux portes placardées de planche de bois. Le Covid a fait des ravages.
Quelques mètres plus loin, nous nous faisons accoster par un gugus qui nous propose d’aller voir le bar-restaurant sur le rooftop, le « Sky Green ». Nous jouons le jeu, faute d’avoir autre chose à porter de pattes.
L’endroit est très sympa. Petit, moderne, bien décoré et un peu décalé, avec vue sur toutes les façades fatiguées par les années. Les airs latinos du groupe de musique titillent nos cellules et donnent envie de danser. Nous commandons à manger, sur le seul plat encore disponible, comme par hasard le plus cher. La nourriture est bonne et nous passons une belle soirée. Nous payons en euro, et même là le prix reste élevé. 60 euros. Cela correspond juste à deux plats, et deux cocas. Pas de dessert, pas d’alcool. A ce rythme là, ça va être compliqué de tenir deux semaines.
Lorsque nous quittons le rooftop, la nuit est tombée sur les terres cubaines, cachant une partie de la misère avec son éclairage publique tous les cent à deux cents mètres. Même sensation que la veille, je ne me sens ni en danger, ni en sécurité. Je n’ai pas l’impression d’être dévisagée, alors que nous sommes les seuls touristes à arpenter les ruelles sombres. Clairement, je m’attendais à être plus sollicitée.
Nous rejoignons la chambre vers 21h30. Je cherche encore quelque informations pour les jours à venir et nous sombrons rapidement dans le sommeil. Le réveil sera tôt demain.
Notre casa
Jour 3 - jeudi 28 avril 2022
6h00 et l’alarme retentit. Dehors, il fait encore nuit quand nous rassemblons nos affaires et quittons notre famille de passage.
La vie s’ébranle doucement dans les rues. Loin encore de l’agitation, du brouhaha et des Klaxons de la journée. Nous trouvons un taxi qui nous amène à la station de bus qui se situe à trois kilomètres de notre casa. C’est le genre de truc que j’aurais anticipé si j’avais prévu notre itinéraire un peu plus à l’avance. Cela aurait évité de rajouter un intermédiaire et les coûts associés. Nous négocions pour 600 pesos. Soit 21 CHF selon notre change et environ 8 CHF pour le change de la ville.
Pour démarrer sa voiture, notre chauffeur sort de l’habitacle et pousse le véhicule, saute dedans et donne quelques coups de clé, ce qui finit par faire cracher plusieurs fois le tas de ferraille jusqu’à ce qu’il démarre pour de bon. Nous arrivons à bon port à 6h50. Notre bus est prévu pour 8h00. Il disait de venir trois heures avant, soit à 5h00, mais nous avons estimé qu’une heure avant ça serait bien suffisant. Nous avons réservé le bus en ligne avec la compagnie Viazul, une des seules compagnies locales relativement fiables qui organisent des transports entre les grandes villes. La compagnie a complètement cessé durant le Covid et reprend doucement ses fonctions, bien qu’elle ne tourne pas autant qu’avant la pandémie.
Nous avons payé 12USD par personne, soit 11,5 CHF pour un voyage de 180 kilomètres à l’ouest de la capitale, estimé à quatre heures de route.
Nous commençons par le « check-in ». Ils prennent nos bagages, soit nos deux backpacks, qui seront dans le coffre du bus, et nous remettent nos deux billets en format papier. Nous avons plus qu à patienter dans la salle d’attente aux bancs si grinçants que nous avons l’impression qu’ils vont se rompre sous nos propres poids. A 7h45, nous sommes appelés pour l’embarquement. La procédure est assez formelle, et nous entrons dans le bus qui a l’air plutôt en bon état.
A 08h05, le véhicule se met en marche, transportant le peu de passager présent. En effet, le bus est à moitié vide, ou moitié plein pour d’autre. Je me plonge rapidement dans un bouquin, levant les yeux que de temps en temps pour observer la verdure luxuriante à perte de vue. Quelques baraques de temps en temps, un paysan qui laboure ses champs avec une machine tirée par deux bœufs, et une charrette qui avance grâce à un équidé. Alors que les conversations du début, en anglais, espagnol et même français, se sont taries pour laisser place au silence et à quelques ronflements, le bus dévie de sa route pour entamer une pause. Il est dix heures et nous sommes à mi-chemin. Cela me permet d’aller aux toilettes plus par anticipation que par réelle envie, pour la somme de 15 pesos, ce qui me permet de bénéficier de trois feuilles et demi de papier toilettes à une face tant elles sont fines. Impossible de trouver de l’eau ou du coca-cola dans le restaurant, en revanches piña colada et café à foison.
Nous arrivons à destination un peu avant midi. A la sortie du bus, nous nous faisons agresser dans tous les sens pour les logements. Nous refusons poliment et prenons de la distance. Nous récupérons nos backpacks, et partons à la recherche d’un restaurant. Viñales se situe au cœur d’une vallée. Tout autour n’est que végétation avec la présence de quelques petites montagnes. Le village se situe tout en longueur, à taille humaine. Nous sommes surpris de constater que la quasi totalité des maisons propose des hébergements. L’offre est impressionnante.
Nous croquons une morce et partons ensuite à la recherche de notre casa. Il fait vraiment chaud, c’est impressionnant, et particulièrement lourd. Nous arrivons au numéro 20, dans la charmante Casa Leyanis y Jesus. Nous allons vivre les deux prochaines nuits dans une famille composée d’un couple, de deux enfants et de ce que nous pensons être des grand-parents. Il y a cinq chambres disponibles. Notre hôte nous laisse même choisir, nous sommes les seuls clients.. Devant chaque chambre se trouve deux chaises à bascule.
Nous sommes le début d’après-midi et la chaleur est si écrasante que nous décidons d’aller barboter. Et oui, il y a même une piscine, et nous sommes seuls pour en profiter. La casa nous a coûté 30CHF par nuit pour deux. Un prix raisonnable.
Nous savourons ce moment avec plaisir. Loin de l’agitation de la capitale, c’est tellement agréable de profiter du silence de cette vaste campagne.
Nous lézardons jusqu’en fin de journée, quand la chaleur devient un peu plus supportable. A l’horizon, nous observons le ciel s’obscurcir par des nuages chargés de pluie. En attendant, j’ai programmé notre excursion de demain depuis le bord de l’eau. Il nous manque plus qu’à passer pour régler l’acompte.
Nous remontons la rue à l’opposé de la ville. Bientôt, le béton laisse place à un chemin de terre rouge. J’aime l’atmosphère qui se dégage de cet endroit. Les maisons avec le fond sur la montagne sont vraiment sensationnelles.
Nous arrivons sur le domaine qui possède des terres à perte de vue, et nous rencontrons notre guide. Une fois l’acompte réglé et les formalités faites, nous rebroussons chemin.
Le ciel se couvre entièrement et l’odeur de la pluie sature l’air, jusqu’à en avoir le goût sur la langue. Nous regagnons le village et trouvons un restaurant pour manger. Après avoir pris un mojito sur une terrasse, l’orage éclate enfin. Violent et puissant, le ciel exprime sa colère et répand son contenu sur le sol cubain. Cela finit par se calmer suffisamment pour que nous puissions nous déplacer. Nous mangeons de nouveau quelque chose de light ce soir, perdant la motivation avec la pluie et surtout avec nos réserves d’argent en cash qui s’amenuisent.
Lorsque nous rentrons, il est à peine 20h00, le soleil se couche doucement. Nous essayons de capter un minimum de wifi pour nos recherches et organiser nos prochains jours. La tâche est plutôt complexe, chaque recherche prend tellement de temps. Nous finissons par abandonner. Le nombre de casa est tellement impressionnant que c’est dur de faire un choix. Nous nous couchons vers les 22h00.
Jour 4- Vendredi 29 avril 2022
Nous nous levons tranquillement vers 8h30. Dehors, pas une trace de l’orage qui a éclaté la veille.
Nous avons rendez-vous à quelques minutes de marche au bout de notre rue, en direction des montagnes. Nous retrouvons notre guide Yanpiel, qui maîtrise la langue de Molière avec un fort accent espagnol. Avec lui se trouve trois étalons, dont Paulo et Farruco qui deviendront nos fidèles destriers pour les prochaines heures. Je n’ai jamais fait de cheval. J’appréhende un peu. En réalité, j’ai vite compris que c’était la seule manière de visiter correctement la région.
La vallée de Viñales est une incroyable merveille. Nous commençons la promenade, et je suis plus à l’aise que ce que j’imaginais. Je suis derrière le guide, qui a une allure de cow-boy avec son chapeau et son cigare au coin du bec, et Aurélien derrière moi, en file indienne. Je comprends rapidement les commandes nécessaires à la conduite de ce nouvel engin.
Nous nous enfonçons dans la végétation et passons par des chemins de terre qui ne sont pas accessibles par les voitures. La terre est irrégulière et aurait été compliquée à pratiquer à pied. Ceci est dû à la boue qui façonne le chemin à sa manière à chaque orage. Les chevaux ne bronchent pas et marchent sans peine sur les terres aux couleurs de feux.
J’avoue que c’est agréable, bien plus que ce que j’avais imaginé. Loin des voitures, loin de la civilisation, loin de tout, nous sommes accompagnés uniquement par les explications du guide qui nomment chaque plante et arbre que nous croisons et le bruit des douze sabots qui foulent le sol en rythme.
Nous faisons un seul et unique stop après une trentaine de minute de balade. Devant nous se dresse une petite maison de plein pied, aux planches de bois blanche et bleue turquoise. Son toit est construit à base de feuille séchée. Devant, il y a un petit porche avec un banc qui donne envie de s’y asseoir pour ne jamais repartir, accompagné d’un bon bouquin et d’un thé bien sûr.. Tout autour, des champs à perte de vue, et les montagnes en arrière-plan. Nous sommes accueillis par un couple. Ils nous font goûté le jus de canne à sucre. Nous voyons la préparation devant nous, grâce à une machine qui coupe la canne à sucre dans sa longueur. Le jus est ensuite filtré. La jeune femme nous sert ça dans une petite orange, qui ne ressemble pas à celle que nous connaissons, coupée en deux avec une paille. Nous pressons légèrement le fruit, le jus se remplit à l’intérieur du bol de fortune et nous y mélangeons le jus de canne à sucre. Délicieux ! Nous dégustons aussi du miel de la région aromatisé à l’orange et au café. Moi qui n’aime pas spécialement le miel, j’avoue que celui-ci est particulièrement bon.
Rapidement, un petit chien blanc vient me coller pour ne jamais me lâcher. Il s’appuie contre ma jambe et attend que je lui gratte derrière les oreilles en remuant doucement la queue. Dans la famille, il y aussi un bébé mouton qui perd son lainage comme un serpent se détacherait de sa peau. L’agneau se frotte contre le banc où nous sommes assis.
Juste en face de nous, se trouve un champ où un vieil homme y travaille à l’aide de ses deux bœufs. Il crie, leur donnant des instructions à chaque virage et arrêt. Le cortège est terminé par deux oiseaux blanc qui suivent avec attention la troupe avant. Cela nous fait beaucoup rire. Ce sont des galzas, nous indique le guide. Ce sont “les oiseaux des bœufs”, ils profitent de se nourrir de parasite présent sur leur peau, où en l’occurrence dans la terre fraîchement retournée. Profiteurs ou opportunistes, la limite est fine.
Nous admirons avec intention les aller-et-retours que représentent ce travail laborieux. Ici la pénurie d’essence est courante, et cela empêche l’achat de machine qui pourrait aider les paysans à entretenir les terres.
Il est l’heure de poursuivre notre route. Je repars avec un petit pincement au cœur \240en laissant le chien blanc qui observe chacun de mes mouvements.
Nous remontons en selles, et c’est reparti. Le temps passe, les minutes s’égrainent, et le soleil est toujours plus haut dans le ciel. La chaleur est rapidement étouffante et nous sentons notre peau brûlée malgré la crème soleil que nous avons appliqué au réveil. Heureusement, nous profitons de quelques moments de répit où un vent presque frais sort de nul part alternant avec quelques instants ombragés. La situation est loin d’être insupportable. Je ne me sens pas dans le droit de me plaindre, sachant l’effort que fournit mon compagnon à 4 pattes.
Quand Yanpiel sent que nous sommes à l’aise, il nous laisse prendre les devants. Farruco est motivé et prends la tête. Je le lance au trot et il suit. Aurélien me talonne de près avec Paulo. Nous trottons, le sourire jusqu’aux oreilles, la nature à perte de vue, c’est un moment magique.
La promenade que nous effectuons est une boucle avec pour épicentre les montagnes. J’ai aucune idée du nombre de kilomètre que cela représente. Clairement à pied, il faut être motivé, d’autant plus vu les conditions de la terre et je pense qu’il est aisé de se perdre au vu du nombre de petits chemins sans aucune signalisation. Quoiqu’il en soit, nous arrivons à la ferme environ trois heures plus tard. J’avoue être un peu soulagée, car mon fessier commençait à être douleur et mes genoux également. Sur la fin de la boucle, nous avons diminué le trot, la pratique devenant difficilement supportable.
Nous parquons les chevaux et rencontrons le paysan qui va nous faire la visite sur le tabac et le café. Contrairement au Costa Rica, ici rare sont ceux qui parlent anglais. Le paysan nous donne les explications en espagnol. Je reconnais qu’il fait l’effort d’articuler, de parler doucement et le tout combiné à ses gestes, cela devient compréhensible. Pour la fabrication d’un cigare, il faut beaucoup de patience, puisqu’il faut attendre plusieurs mois. En effet, la première étape qui consiste au séchage des feuilles dure trois mois. Avant cela, il faut trois mois également pour que les feuilles poussent avant la récolte. Et pour terminer, il faut encore deux mois pour les faire vieillir.
Le paysan assemble les feuilles devant nous et nous explique qu’il y a trois couches au cigare qui ont chacun leur nom. La deuxième couche est la capote, la couche extérieur la cappa. Cela paraît bien simple une fois assemblé. Maintenant il faudra attendre encore deux à trois jours pour que les feuilles sèchent et que le cigare soit suffisamment dur pour être fumé.
Le paysan nous explique qu’à l’époque, ils avaient le droit de vendre ce qu’ils voulaient au touriste, soit toute leur récolte si cela était leur souhait. Aujourd’hui, tout est récupéré par l’état et les grosses industries. Ils ont le droit de vendre seulement 5% de leur travail à la ferme pour les touristes, tout le reste part plus loin.
Aurélien se voit offrir un cigare. Le bout qui se met en bouche est trempé précédemment dans le miel. Comme faisait le Che. Bien que j’essaie pour la forme, (qui n’essayerait pas à Cuba ?), ce n’est définitivement pas mon truc.
Nous passons ensuite au café. Ce n’est pas le moment de la récolte qui se situe plutôt entre septembre et novembre. Aujourd’hui, il y a juste des fleurs. Nous pouvons tout de même sentir des graines déjà récoltées et même en goûtées.
Nous terminons notre visite en croquant une morce sur place, à la ferme, puis nous rentrons à la casa, non sans avoir remercier infiniment Yanpiel. Nous apprenons que ce dernier a sa femme et sa fille qui vivent à Marseille. De ce que nous comprenons, avant la pandémie, ils vivaient tous ensemble ici, et la petite de 4 ans et demi, a finalement commencé l’école sur France. Elle sera de retour pour les grandes vacances.
Il est 14h00 quand nous rentrons et constatons que nous avons la casa pour nous. Les propriétaires sont partis. La chaleur est bien trop pénible pour faire quoique ce soit. Nous profitons de la piscine, puis nous réfugions à l’ombre sur nos chaises longues pour lire et faire une sieste.
Toujours pas l’ombre de la présence de notre famille. Cela impact que nous voulions regarder avec elle pour réserver un taxi pour le lendemain, ainsi qu’avoir l’accès au wifi. L’accès à ce dernier est une catastrophe. Pour ma part, cela m’importe peu. En revanches, nous avons besoin du wifi pour avancer dans nos recherches et réserver les logements, et Aurélien en a besoin pour prendre des nouvelles de sa fille.
Bref, il est passé 18h00, et nous regagnons le centre du village. C’est encore ici que nous voyons le plus de touriste, mais il est vrai que l’endroit fait peine à voir. Apparemment, il y avait même la queue pour accéder à certains restaurants avant la pandémie, difficile à croire quand il n’y a même pas la moitié des restaurants qui atteignent le quart de sa capacité à ce jour.
Nous allons boire un apéro sur une terrasse, cela nous permet aussi de nous connecter au wifi et de réserver l’hôtel de ces prochaines nuits. Nous enchaînons ensuite sur le restaurant où nous prenons deux pizzas. Il faut dire qu’ici nous avons surtout vu des hamburgers, des pizzas, des sandwichs ou des omelettes. Pas de Cuban food à l’horizon.
Nous rentrons vers 20h00, le soleil se couchant doucement. Nous sommes toujours seuls à la casa. Pas de taxi, pas de wifi. Demain nous avons une longue route, et nous ne savons pas si cela va pouvoir se faire. Mon plan : on verra bien demain, on trouvera une solution. Je n’ai pas envie de me stresser.
Nous entamons quelques parties de Skyjo et à 21h30, quand on ne s’y attendait plus, la famille est de retour. La proprio parle uniquement espagnol, et là aussi, avec le langage des signes et un espagnol articulé et l’aide en dernier recours d’une application de traduction, nous y arrivons. Taxi réservé pour demain 8h00, bonne nouvelle ! Quant au wifi, il faut oublier, il n’y en a plus. Tant pis, nous ne pouvons pas tout avoir. Nous nous couchons vers 23h00.
Jour 5 - samedi 30 avril 2022
7h15 et le réveil sonne en symbiose avec le coq du village. Le jour se lève déjà, alors que nos cerveaux s’illuminent avec une latence marquée. Ce n’est pas une journée marrante et nous le savons d’avance. Nous y allons à reculons, comme un chat effrayé chez le vétérinaire, le poil rebroussé et la queue qui balance.
Le taxi est « right on time ». 8h00. C’est un vrai taxi, il est juste vieux. Je parlais du taxi, et non du chauffeur. Nous nous installons et prenons nos aises, nous disant que finalement, les assises ne sont pas si inconfortables et que ça passera vite. Ça, c’était sans l’arrêt au bout du village. Ce moment où nos visages se décomposent légèrement et où nous embarquons un couple. Heureusement, les deux tourtereaux ont la taille mannequin, ou presque. Pour cela, je n’aurais pas misé sur nous avec nos gabarits de gens heureux et bien nourris. Qu’importe, au final c’est nous qui nous tapons les pires places. Je suis au milieu, collée contre Aurélien qui est lui-même en fusion avec la portière. Quant à la nana, elle peut placer deux fois sa taille 36 sur la partie gauche des sièges arrières. Et pour monsieur, il a l’honneur et le privilège de reposer son fessier à l’avant. On est trop sympa.
Trêve d’ironie et de sarcasme, nous sommes tous dans le même bateau et n’avons guère le choix. Notre joyeuse troupe quitte le village, laissant derrière nous la belle vallée de Viñales. J’ai un petit pincement au cœur. Dans chacun de mes voyages, il y a toujours un moment et/ou un endroit où j’y laisse une petite partie de mon cœur. La danse des aurores boréales dans le ciel islandais. La beauté de la place rouge avec ses lumières nocturnes à m’en faire verser une larme à Moscou. Les couchers de soleil qui capturent tous les regards en Indonésie. La troupe de lion dans les plaines du Serengeti en Tanzanie. Et maintenant, la vallée de Viñales, calme et apaisante, avec sa verdure, ses paysans et ses chevaux.
Soyons honnêtes, le voyage est affreux, il n’y a guère d’autres moyens de décrire cela. Notre chauffeur me fout des frayeurs tous les deux kilomètres. Il passe des coups de fil à n’en plus pouvoir, regarde plus son écran que les courbes de la route, et donne des coups de volant pour éviter chèvre, chevaux, piétons, calèche, vélo et j’en passe. Ses dépassements me font serrer les fesses, et pester contre ces maudites ceintures absentes au bataillon. Je me repasse en boucle le film de mon corps à travers le pare-brise déjà fissuré comme un doux et macabre prélude.
Dans la première partie du voyage, nous faisons un stop inattendu au bord de la route. Quittez le navire, tout le monde descend. Pour une raison osbcure, nos acolytes grimpent dans une voiture et nous, dans une autre. En réalité, nous n’avions pas la même destination finale. Certes, cela semble presque logique. Sans compter que notre chauffeur d’origine repart bredouille. Nous nous assurons que dans toute cette histoire, nous n’allons pas encore devoir y laisser des pesos ou des euros que nous n’avons bientôt plus de toute manière.
Je peine à dire, à l’heure où j’écris ceci, si nous avons gagné au change. De quatre à se battre pour sa place, nous sommes passés à cinq, en plus du chauffeur bien entendu, sinon ça serait quand même trop simple. Dans une vieille ricaine du milieu du vingtième siècle, c’est là que nous nous entassons. Nous nous installons sur les places vacantes à l’avant du véhicule. Derrière nous, un jeune anglais de 23 ans en vadrouille, et un couple d’argentin entre deux âges. J’ai encore gagné la place du milieu. Ceci est un avantage pour mon dos, car la banquette en cuir lisse n’a pas de décrochement comme le taxi précédent. En revanches, mes pattes sont sur un décrochement qui sépare la partie conducteur du passager. Je suis fascinée autant qu’horriffiée par cet engin. Le volant est si grand que je pourrais le tenir depuis le centre. Les appuis-tête sont aussi absents que la climatisation. Les rétroviseurs aussi petits que les lunettes babacools rondes des années 60, et de toute manière, bien trop opaques pour y voir quelque chose. Le compteur de vitesse a fait vibrer ses aiguilles une dernière fois il y a fort longtemps, laissant planer le doute sur la vitesse de croisière du tas de ferraille. J’ai bien compris la technique du chauffeur. Quand c’est 90, il appuie pied au plancher. Et lorsqu’il y a restriction, il relâche et là, personne ne sait vraiment. L’avant est tellement cloisonné que je n’arrive pas à avoir de l’air, malgré les fenêtres ouvertes. Si l’on est pas claustrophobe, on le devient, c’est moi qui vous le dit.
Je passe le temps la tête plongée dans mon bouquin. Dans un virage, je manque de m’écraser, sans aucune retenue, contre notre chauffeur, me retenant in extremis à Aurélien, ce qui ne manque pas de faire rire le cubain.
Avec tout ça, il faut beaucoup de patience, quelques technique de déplacement millimétré de bras et de jambe pour survivre un tant soit peu, et sans doute un brin de folie, car je ne pense pas qu’une personne saine d’esprit puisse supporter ceci.
Tout ça pour dire que nous effectuons au total 7h30 de route, dont trente minutes de pause pour grignoter un sandwich et aller aux toilettes. Cela représente 500 kilomètres. Le pire, c’est que la prestation a coûté 50 euros par personne. En bus, nous étions bien plus confortable et pour bien moins chers. Certaines liaisons ont totalement disparu avec le Covid, et les pénuries de carburant.
Nous arrivons à 15h30, les derniers mètres, ainsi que la chaleur eurent raison de notre patience. Nous sommes trop pressés pour admirer le synopsis de la ville, et n’avons qu’un objectif en tête : étirer nos carcasses sous la climatisation.
Et c’est chose faite ! Nous découvrons notre famille. Une femme avec ses deux enfants, un ado et une petite fille d’environ neuf ans. La maison est très belle, et après avoir traversé la première partie, nous passons dans une cour intérieure jusqu’à grimper pour accéder à la terrasse sur le toit et à notre chambre. Le nom de notre casa est la “Casa Lyosman y Yanin”.
Notre premier réflexe est de prendre une douche tant la sueur nous colle comme une seconde peau. Nous redécouvrons le bonheur d’avoir un débit d’eau correct avec de l’eau chaude. J’en profite comme si ma vie en dépendait, ou presque. J’ai l’impression d’avoir réduit mes besoins à la base de la base. Manger, boire, dormir, se doucher. Retour aux sources. Cela faisait deux jours que nous avions le droit à littéralement trois minces filets d’eau froide. Bien que cela ne soit pas la première fois, je trouve toujours cela rude.
Nous nous reposons finalement dans la chambre jusqu’en fin d’après-midi, moment où nous ressortons explorer les rues.
Trinidad ne ressemble ni à La Havane, ni à Viñales. C’est une ville où les maisons ne dépassent pas les deux étages. Collées les unes aux autres, comme une longue chaîne de soutien, elles rayonnent par leurs couleurs vives. Les ruelles sont quasi toutes à sens uniques et composées de pavés. Pas le genre de pavé, jolis et organisés que nous pouvons retrouver dans nos villes. Ici, on dirait plutôt qu’on a pris ce qu’il y avait et “démerdez-vous avec ça”. Ainsi, les pavés se sont formés tant bien que mal, et plutôt mal, soyons honnêtes. Cela donne l’impression de faire un bon une demi-douzaine de siècle plus tôt.
Il faut avouer que cela a un certain charme tout de même. Conseil n°1 : oubliez les sandales. J’ai les yeux rivés au sol, et je progresse aussi difficilement et doucement que si je me trouvais dans la forêt amazonienne. Je vous interdis de rire. Les trottoirs, lisses, existent par intermittence et sont si minces qu’ils sont souvent obstrués par d’autres éléments comme des tas de pierre, des poubelles ou encore des cubains.
J’ai l’impression que toutes les rues se ressemblent et j’imagine déjà la galère pour retrouver notre casa. Heureusement, j’ai toujours mon application GPS sur moi. Il n’y a rien autour de notre casa, juste des habitations à n’en plus finir, il faut s’éloigner un peu. En rejoignant la Plaza Major, nous avons droit à un très joli coucher de soleil qui se répercutent sur les pavés grossiers et fait ressortir les maisons multicolores.
Nous nous faisons aborder plusieurs fois pour qu’on nous vende tout un tas de truc, ou encore pour faire du change. Ce n’était pas arrivé depuis le début du voyage. C’est désagréable comme toujours, mais malheureusment nous sommes un nombre de pigeon limité dans la petite ville, ils en profitent comme ils peuvent.
C’est la première fois qu’il y a autant de musique dans les rues. A La Havane, un petit peu, et à Viñales plutôt timide. Cela fait contraste avec les rues qui sont si vides.
Les restaurants sont concentrés plutôt au même endroit autour de l’église. Nous en dénichons un qui a une jolie cour intérieure avec un peu moins d’une cinquantaine de table, pour seulement deux d’occupées. Cela restera ainsi pour la soirée. Un groupe de musique met l’ambiance comme si nous étions cent. J’imagine l’effervescence si le restaurant était complet. Quoiqu’il en soit, ils gardent le sourire malgré que la situation soit craignos. Dans les restaurants, c’est toujours la même chose, il y a régulièrement des choses qui manquent, comme de l’eau, de l’eau gazeuse, du coca et tant d’autre encore.
Nous passons une belle soirée en musique et rentrons à la nuit tombée. L’exercice des pavées est encore plus intéressant avec une lumière tous les quatre cents mètres. Après un début au GPS, nous descendons notre rue jusqu’à trouver le bon numéro. En discutant avec la proprio de nos soucis d’argent, elle nous propose une solution. Affaire à suivre pour le lendemain !
Jour 6 - dimanche 1er mai 2022
Nous nous réveillons tranquillement à 9h00, les rayons du soleil filtrant à travers les rideaux.
Nous résolvons notre problème d’argent grâce à Yanin, la propriétaire. En effet, elle nous a proposé de lui verser de l’argent via PayPal et de nous le redonner cash ensuite. L’avantage à ça, c’est que nous ne subissons pas le change merdique. Elle nous fait du 1 euro pour 100 pesos, contrairement au 1 euro pour 24 pesos que nous avons eu jusqu’à maintenant. \240Nous échangeons 250 euros et recevons une liasse avec 25’000 pesos… pour rappel nous avions changé le même montant et avions reçu 6’000 pesos. Voilà l’essence même de notre problème depuis notre arrivé dans le pays.
Nous partons nous promener vers la “nouvelle ville”, honnêtement je ne vois pas la différence, hormis les pavés qui ont été goudronnés. Nous sommes interloqués par la présence du nombre important de personne dans les rues. Je fais rapidement le lien avec le 1er mai, en me remémorant que c’est un jour férié ici. Apparemment le dress code est rouge et blanc. Nous n’avons ni l’un, ni l’autre, et nous sommes à nouveau les seuls touristes ou presque. L’ambiance est au rendez-vous. La musique est omniprésente est envoie ses notes faire danser toute la ville. La chaleur est déjà lourde et les gens se cachent vers le peu d’ombre présente.
Nous finissons par nous éloigner de la zone d’ambiance pour trouver un restaurant. Un bon nombre d’entre eux sont fermés pour la journée. Nous trouvons finalement un restaurant qui a un rooftop dans la vieille ville, derrière l’église. Même à l’ombre, sous les coups de midi la chaleur est étouffante. Il n’y a aucune brise d’air. Je mange un délicieux poisson à l’ail et Aurélien des spaghettis (plus local tu meurs).
Nous admirons à nouveau les couleurs vives des habitations en rentrant dans notre casa. Nous sommes définitivement incapable de gérer notre température, et nous rentrons en nage. Ça ne me dérange pas tellement. S’il y a bien une chose que j’adore, c’est la sieste ! Chose que nous faisons après avoir bouquiné.
Nous ressortons en fin de journée,et après une petite promenade, nous enchaînons apéro et repas. Puis, sur une terrasse nous disputons plusieurs parties de Skyjo, jusqu’à ce que nous soyons les seuls clients encore présent. Nous rentrons un peu avant minuit.
Jour 7 - lundi 2 mai 2022
Nous nous réveillons à 9h00 sans stress, et partons parcourir les rues. A deux pas de notre casa, dans les pavés, nous trouvons une mygals écrasée. Mon dieu ! Je n’aurais jamais imaginé que ma première mygale se trouverait au milieu d’une petite ville comme Trinidad. Je ne savais même pas qu’il y en avait ici.
Nous croisons quelques groupe en pleine visite guidée, preuve que les affaires reprennent doucement. Nous profitons de la musique qui s’échappe des foyers et qui égaye les rues.
Après notre promenade, nous nous installons en terrasse pour le repas de midi. Cela nous permet également d’affiner l’itinéraire de ces prochains jours. Au final, je me rends compte que c’est plus chronophage qu’autre chose. Vu la qualité pourrie du wifi, nous perdons un temps considérable à rassembler les informations nécessaires à notre voyage.
Je me rends compte que j’ai un torticolis à gauche. J’ai aucune idée de ce que j’ai pu foutre à part dormir dans la mauvaise position. Bon, je ne peux pas dire que j’ai particulièrement ménagé mon dos cette semaine entre le cheval, le transport surchargé en taxi \240et mon sac à dos.
Vers 13h00, nous sommes de retour à la casa, et c’est le moment pour nous d’aller à la plage. Un taxi nous attend pour nous emmener à la Playa Ancón qui se situe à une dizaine de kilomètre au sud de Trinidad. Le banc de sable est long et étroit. Nous sommes une petite vingtaine, ce qui est parfait. On nous propose de louer des chaises longues pour l’équivalent de 1 euro par personne avec durée illimitée. Nous en profitons.
En quelques minutes, nous nous retrouvons dans l’eau. La mer des Caraïbes conserve sa réputation avec une eau si chaude, qu’elle est à peine rafraîchissante. Nous n’avons pas pris de chaussure pour l’eau et je le regrette car le fond n’est pas lisse et je crains les oursins. Tout va bien pour nous. Je ne peux pas en dire autant pour l’autre couple qui se baignait près de nous. Monsieur a marché sur un oursin, et j’ai encore mal pour lui. Je n’avais jamais vu ce genre de blessure. A voir la plante du pied, il semblerait que les épines soient encore à l’intérieur.
Au niveau des infrastructures, il y a juste un bar. Ils vendent uniquement des cocktails et de l’eau. Pas de soda, pas de bière, pas d’eau gazeuse. C’est souvent les mêmes articles qu’il manque.
Le taxi revient nous chercher vers 16h30 comme nous lui avons demandé. Cela nous coûte l’équivalent de 18 euros. Cette petite escapade maritime nous a fait le plus grand bien.
Nous rentrons nous doucher, car nous avons amené une partie de la plage avec nous. Nous ressortons ensuite alors que le soleil décline doucement.
Il fait bon vivre ici, c’est la réflexion que nous nous faisons. L’atmosphère est légère, le trafic plus calme que ce que nous avons vu auparavant, et la couleur des maisons est un puit à énergie. Je constate que les locaux vivent surtout dehors. Nous voyons un groupe qui a sorti une table à même la route pour disputer une partie de carte. Les gens fument, jouent, s’embrassent, boivent et mangent au bord de la route. Comme si c’était une extension de leur maison. Ça me donne l’impression de m’immiscer dans leur vie intime. Nous traversons les rues avec la plus grande discrétion.
Nous nous rendons compte que près de notre casa se situe une brasserie. L’unique de la ville. Nous sautons sur l’occasion, nous demandant déjà pourquoi nous n’y étions pas allés plus tôt. Nous grimpons d’un étage et avons une jolie vu sur la place Sante Ana avec son église désertée. Nous nous regardons interloqués lorsque nous souhaitons commandés une bière et qu’il n’y en a pas. Je pense que c’est l’unique brasserie au monde qui n’a pas de bière ! Aurélien rebondit sur un mojito. Quant à moi, j’essaie une limonade locale qui n’est pas trop mal.
Nous profitons à nouveau de ces ruelles particulières alors que le soleil se couche à l’horizon. Nous décidons de manger au même endroit que le premier soir, où joue le même groupe de musique. Nous avons gentiment fait le tour des restaurants du coin.
Nous rentrons un peu avant 22h00, pour une dernière nuit sur Trinidad.
Jour 8 - mardi 3 mai 2022
Dernier réveil sur Trinidad. Ça a fait du bien de se poser trois jours au même endroit, et de ralentir un peu le rythme. A 9h00, un taxi, enfin plutôt le mari de Yanin, la propriétaire, est prêt devant la casa. A bord de la Peugeot 206 customisée, nous reprenons la route. Dans la customisation, la Peugeot a perdu ses ceintures de sécurité arrière. C’est un concept, dirait certain.
La route qui relie Trinidad à Santa Clara, est défoncée. Nous passons plus de temps sur le bas côté, à éviter les trous énormes sur le bitume, qu’à rouler normalement. Ça fait parti du folklore. Nous évitons aussi deux bœufs qui traversent sans prévenir, un poulain et même un vautour.
Nous atteignons la ville de 230’000 habitants à 11h00. Déjà, toute la tranquillité de Trinidad s’en est allé. Nous sommes au cœur de l’agitation de la ville, des coups des Klaxons ou encore de la forte odeur des échappements, combinée au crottin que les chevaux ont semé. J’en ai le vertige. Nous n’avons pas revu une telle agitation depuis La Havane. Et ça ne m’avait pas manqué.
Santa Clara est un mix entre la capitale et Trinidad. Plus calme que La Havane, mais bien plus bruyante que la petite ville que nous venons de quitter. Santa Clara reste à taille humaine comparée à la capitale, tout en étant éloignée des ruelles familiales de Trinidad. Il n’y a rien de joli ici. Les trottoirs sont tellement étroits et pour une raison obscure, il y a régulièrement des énormes poteaux au milieu des minuscules trottoirs. Le déplacement sur les routes s’avèrent plus complexe que d’habitude au vu de la circulation dense.
Nous prenons nos quartiers dans la chambre de la casa de Javier et Katia, avant de repartir à l’exploration de la ville. Midi s’approche gentiment et le soleil tape déjà fort, irradiant sa chaleur dans l’atmosphère. Nous passons par le Parque Vidal, le centre d’activité de la ville. Nous nous enfilons dans les rues jusqu’à trouver un restaurant. La tâche est plus difficile que prévu, il y en a pas des masses. Celui que nous trouvons est plutôt glauque et nous sommes les seuls clients. Nous commandons du porc pour Aurélien et du poisson pour moi. La nourriture est plutôt mauvaise et arrivons à peine au bout de nos assiettes, plus par faim que par envie.
Après mangé, nous passons dans un petit magasin appelé “Etecsa”, c’est le réseau téléphonique locale. Si les touristes se retrouvent régulièrement là, c’est pour acheter des cartes de wifi. Il y a plusieurs endroits dans la ville, des hotspots, qui permettent de se connecter à internet grace à l’achat de ses cartes. C’est le cas aussi dans certaine casa comme celle que nous avons actuellement. Nous baragouinons dans un mélange d’espagnol et de langage des signes, et ça se passe plutôt bien. Nous repartons avec six cartes d’une heure de wifi pour la somme de 150 pesos, soit 1,5 francs. Il existe des cartes d’une heure et d’autre de cinq heures. J’avais lu qu’il était préférable d’en prendre plusieurs d’une heure, car il arrive que certaines cartes soient défectueuses.
Sous les températures écrasantes, nous marchons sur le bitume en laissant petit à petit la ville derrière nous. L’ombre est rare, voir absente. Et nous atteignons finalement notre récompense : la place de la révolution, avec le monument du Che ! Cet endroit représente la raison de notre stop à Santa Clara, et clairement cela en vaut la peine. Le monument est composé d’un mur blanc avec des personnages qui ressortent et un texte en espagnol. A sa droite, perché au sommet d’un très haut piédestal, la statue du Che. Fusil à droite, grenade, couteau et rhum à gauche, il a fière allure, le Che.
Les touristes arrivent par petite vague timide. En m’asseyant sur les marches brûlantes près du monument, je ne peux m’empêcher d’imaginer cette place remplie de vie et de touriste en masse.
Après une série de photo, et une observation minutieuse, nous repartons parcourir les deux kilomètres qui nous séparent du centre-ville. Ici, les habitations sont moins abîmées que dans la capitale. Nous observons les oiseaux qui tournent en rond en volant bas. Nous nous souvenons de ce que nous avait dit Yanpiel, quelques jours plus tôt sur les terres de Viñales, cela est synonyme de pluie.
La boule de feu a dépassé le zénith en ce milieu d’après-midi et les rayons qui nous parviennent, brûlant et suffocant, augmentent la difficulté de l’effort fourni.
Arrivés au centre-ville, ruisselant de sueur, nous cherchons un bar-restaurant pour boire quelque chose de rafraîchissant. Aussi étonnant que cela puisse être, sur cinq établissements, aucun ne dispose d’eau, soda ou bière. Improbable. Dépités, nous repartons en direction de la casa. Nous tombons sur la Coppelia, qui attire notre attention par la foule qui s’amasse devant. Uniquement des locaux. Nous nous rendons compte que c’est un self service de glace. Le seul parfum existant est le parfum fraise. Les gens rentrent au compte goutte. D’abord il faut payer, puis aller chercher son précieux. Nous payons 60 pesos l’équivalent de 60 centimes pour… dix boules de glace ! En effet, chaque coupe est remplie de cinq boules. Aucune boisson ici non plus. Une énorme terrasse, entièrement ombragée par le bâtiment qui la surplombe, est à disposition pour déguster sa pincée de fraîcheur. Soyons honnête, la glace en elle-même ne vaut pas le détour, mais le froid est une douce merveille sur nos palais en surchauffe.
Nous atteignons finalement la casa en milieu d’après-midi, et nous en profitons pour nous reposer. Vers 17h00, la pluie s’abat sur Santa Clara et le bruit des gouttes qui martèlent le bitume nous parvient d’une manière étouffée jusqu’à la chambre. Les oiseaux avaient vu juste, et nous restons à l’abri jusqu’à l’aube d’une accalmie.
Nous nous rendons derrière le Parque Vidal sur le “Boulevard”, une promenade piétonne. L’endroit est désert. Nous nous arrêtons dans le but de prendre un apéro, et tombons sur un restaurant qui vend juste de l’eau. Nous trinquons avec nos bouteilles au liquide fade.
Nous constatons que nous n’avons guerre le choix en terme de restaurant. Nous nous attablons au premier ouvert, et la carte se résume à Pizza et sandwich. Nous commandons deux pizzas. La pizza est immonde à en faire se retourner un italien dans sa tombe. L’aspect ressemble plus à quiche, et il y a un arrière goût acide et rance. Je n’en mange même pas la moitié.
Nous rentrons nous coucher vers 22h00.
Jour 9 - mercredi 4 mai 2022
Nuit plutôt agitée de notre côté, entre la gestion de la climatisation et le lit inconfortable au possible. En effet, nous avons constaté que sous le matelas, ils ont mis un énorme carton pour palier aux énormes trous que créé la structure du lit. Photo à l’appui, ça vaut le détour !
Nous quittons, sans trop de regret, Santa Clara à 9h00. Nous avons réservé le taxi avec Katia. C’est loin d’être un taxi officiel. Une vieille Lada de 1975. Un sacré tas de ferraille. Cependant, elle fait le job et nous dépose cinquante minutes plus tard à Remedios, une toute petite ville au nord de Cuba, et à l’est de la capitale, pour la somme de 2000 pesos, soit 20.-.
Nous découvrons notre nouvelle casa pour la nuit. Cette fois, nous logeons chez un couple de personnes âgées. Ils ne parlent pas un mot d’anglais, mais l’intention est là.
La décoration nous transporte, comme à chaque casa, un siècle plus tôt. La chambre est spacieuse et contient quatre lits. Pour cela, nous payons 20.- la nuit.
Nous nous reposons un peu et partons en direction du centre qui se situe à 800 mètres. Dans toutes les villes que nous avons vues, il y a toujours une église dans les tons jaunâtres. Celle-ci ne fait pas exception.
L’endroit est presque désert. Là encore, trouver un restaurant s‘avère être une tâche complexe. Nous nous arrêtons dans plusieurs établissements ouverts, mais aucun ne font la cuisine. Nous finissons par en trouver un où nous sommes les seuls clients. La nourriture, locale, est plutôt bonne, dû moins, largement meilleure que la veille. Nous constatons que les prix sont moins élevés ici, comme à Santa Clara, comparé à la capitale.
Nous rentrons en début d’après-midi alors que le ciel se couvre gentiment. Alors que je bouquine, le tonnerre gronde en arrière-plan. Une coupure d’électricité finit de nous faire sortir de notre trou. Papi nous propose de monter sur la terrasse pour voir « El tornado ». Nous embarquons le Skyjo, notre jeu de carte, et partons à la visite de la maison.
Nous sortons dans la cour extérieure, et découvrons deux petites tortues dans un bassin sans eau. Nous longeons la bâtisse et atteignons l’autre aile de la maison. Nous grimpons de deux étages et arrivons sur le toit. Un superbe manguier, chargé de ses précieux fruits, se dresse fièrement à nos côtés, grimpant encore plus haut que les bâtiments autour de nous. Papi nous rejoint et armé de sa longue perche, s’attelle à la récolte des mangues. Un travail fastidieux tant il y en a. Depuis notre nouveau point de vue, nous observons la vie qui passe dans les ruelles au béton lisse tandis que les nuages s’amoncelles de plus en plus au-dessus de nous. Il y a beaucoup de scooters et de motos électriques, c’est intriguant sachant que chez nous c’est quasi inexistant. Je suis toujours aussi fascinée par ce mélange qu’offre les rues cubaines. Un bus passe, si rouillé qu’on choperait le tétanos juste en respirant trop près, une voiture ricaine, aux couleurs criardes, se pavanent, et offre un brin de nostalgie d’une époque révolue ou presque. Et avec ça, se joint les calèches tirées par des chevaux, des tricycles customisées avec guirlande et musique pour accueillir locaux et touristes, un vélo avec le père sur la selle et le gamin sur le guidon. Tout cela est d’une harmonie surprenante, presque déstabilisante.
Tandis que les orages grondes au-dessus de nos têtes, nous décidons de sortir les cartes. Nous nous installons sur l’unique table basse, entourée de demi-pneu en guise de siège. Les grands-parents viennent voir comment nous allons, et s’amuse de nous voir installer pareillement, à jouer à notre jeu, ignorant que le ciel menace à chaque seconde de nous tomber dessus. Mamie passe quelques minutes plus tard, et nous amène une mangue, fraîchement cueillie et fraîchement coupée. Cette attention nous réchauffe le cœur et tombe à pique. Je n’aime pas beaucoup la mangue pure à manger comme cela, mais j’avoue qu’elle est vraiment bonne et change du goût de celles qu’on trouve chez nous.
Je dois dire qu’il faut vraiment mettre en avant la gentillesse du peuple de Cuba. A l’approche de la fin de notre voyage, nous n’avons jamais été confronté à un conflit quelconque. Les gens ont réellement envie de nous aider et de nous montrer leur pays. Nous ne nous sommes jamais sentis en danger, même en nous promenant de nuit avec notre sac à dos et nos gueules de touristes. C’est vraiment agréable, et ça rend le voyage plus léger. Vu les tensions du pays ont aurait pu penser que cet aspect se dégraderait, mais ce n’est pas le cas.
La pluie finit tout de même par s’abattre sur Remedios, nous contraignons à avaler nos dernières bouchées de mangue et à plier bagage. Nous rebroussons chemin, remettons l’assiette en cuisine et trouvons une table abritée pour continuer le Skyjo. Aurélien sort le cigare, ça ne rigole plus. L’orage est fort et dure une bonne heure, peut-être plus, j’ai perdu la notion du temps. Nous subissons une deuxième coupure d’électricité. Étant toujours dehors, cela ne nous impacte pas vraiment.
L’accalmie arrive aussi abruptement que l’orage est survenue. Il est déjà passé 18h00. Nous récupérons quelques affaires dans la chambre plongée dans le noir et partons en direction du centre. Nous découvrons les rues environnantes que nous n’avions pas parcouru plus tôt. Le verdict est sans appel : il y a uniquement un seul restaurant d’ouvert qui propose à manger, et c’est bien entendu le même où nous sommes allés à midi. Rue après rue, nous tombons sur des restaurants et des hôtels fermés. Alors que la pandémie semble derrière nous, je me demande ce qu’il adviendra dans ces infrastructures. Au final, je vois ça comme un cercle vicieux. Si l’on nous demande des conseils sur Cuba, il me sera difficile de conseiller Remedios avec un seul restaurant ouvert, et une ville déserte. L’activité présente n’attire personne, et forcément, ce n’est pas en ayant personne que cela va rouvrir. Je me dis que cela sera quitte ou double : soit la reprise des activités rapidement, ou un lent dépérissement en perspective.
L’esprit un peu morose, nous nous installons à une rare terrasse ouverte pour déguster le mojito le moins cher de notre voyage : 100 pesos, soit 1.-. Un chien errant vient spontanément nous donner la patte avec sa joie de vivre communicatif et son amour de l’être humain inconditionnel. J’ai toujours eu de la peine avec les animaux durant les voyages. La plupart du temps, je me mets des œillères et blinde mon cœur. Parfois, c’est plus difficile que d’autre. D’autant plus quand la chienne nous suit en partant du bar.
Nous nous rendons, sans surprise, à « Portales », le seul restaurant ouvert. Je commande la même chose qu’à midi et Aurélien, autre chose qui n’était finalement pas une bonne idée. Dans sa viande, ils ont tout mis, même des bouts d’artères. Nos deux plats avec deux bières coûtent 7.-. Lorsque j’arrive au bout de ma capacité gastrique, et qu’Aurélien n’en veut pas non plus, j’emballe ce qu’il reste dans une serviette et y donne au chien qui a passé tout son temps la truffe collée à la grille du restaurant. On ne se refait pas.
En rentrant à la casa, nous nous arrêtons à «El garaje », un garage aménagé en épicerie/bar. Aurélien commande deux petits sandwichs et un Pepsi pour moi. Nous prenons aussi une grande bouteille d’eau pour le lendemain. Tout cela nous coûte 3.-. Beaucoup de cubains défilent pour boire un café et échanger quelques mots avec les tenanciers de cet endroit particulier.
Nous nous couchons finalement vers 22h00 alors que l’électricité a fini par revenir.
Derrière le linge, le miroir est cassé !
Jour 10 - jeudi 5 mai 2022
8h15, le réveil sonne et j’ai beaucoup de peine à m’extraire du lit. Mine de rien, nous bougeons tous les jours et nous sommes loin des vacances en mode farniente. Actuellement, je me sens plus fatiguée que reposée. Mes jambes sont devenues le plat favoris des moustiques. Aurélien dit que je suis son anti-moustique naturel.
A 9h00, papi et mamie nous ont appelé un taxi. Dernière étape du voyage ! Vu nos aventures depuis notre arrivée, nous avons décidé de réserver les trois dernières nuits dans un hôtel All-Inclusive. Notre but : pouvoir manger à notre faim et boire à notre soif sans avoir besoin de tourner en rond pendant des heures. Et surtout se reposer un minimum avant d’attaquer le job en rentrant.
Le taxi nous demande 130 euros pour nous rendre à Varadero qui se trouve à 260 kilomètres en direction de La Havane pour environ 3h30 de route. Les transports sont réellement hors de prix si j’y compare à d’autres taxis que j’ai utilisé dans des pays peu développés comme Cuba. Pour rappel, quelques jours plus tôt, lorsque nous avons fait Viñales-Trinidad nous avions payé 100 euros pour 500 kilomètres. Il faut dire que le premier trajet était basé sur le concept du « taxi colectivo », d’où le fait que nous étions entassés comme des sardines. Ici, nous sommes seuls, rien d’étonnant vu le nombre inexistant de touriste sur Remedios. Nous n’avons que 95 euros sur nous. Le chauffeur refuse et accepte pour 120 euros. Nous plions en partant du principe que que nous compléterons avec les pesos qu’il nous reste. Heureusement, que nous en avions pris assez avec Yanin.
La vieille bagnole affiche au compteur 525’000 kilomètres. Classe ! Même la climatisation fonctionne. Après deux heures de transport sans arrêt, la voiture baisse en régime, me faisant lever la tête de mon bouquin. Nous nous retrouvons complètement arrêtés sur le bas côté, alors que des calèches nous dépassent sans pression. Le chauffeur sort, lève le capot, boutique deux trois trucs, sans succès. Après plusieurs tentatives, alors que la chaleur s’infiltre par tous les interstices du véhicule, ce dernier finit par redémarrer avec beaucoup de peine, essuyant au passage les témoins rouges du tableau de bord. Le répit est de courte durée, puisque rebelote, nous voila à nouveau arrêté. Le chauffeur reprend les manœuvres qui ne parviennent pas plus à faire repartir la voiture qui en a décidé autrement. Le cubain utilise l’option « appelle à un ami » et « aide du public ». Les mains dans le cambouis, la tête sous le capot, le téléphone coincé entre l’oreille et l’épaule, il continue de bidouiller, alors qu’Aurélien se met au volant de l’ancêtre qui finit par plier à l’énième coup de clé. Nous voilà reparti, pour de bon nous l’espérons.
Nous arrivons, sans panne supplémentaire, devant l’hôtel, un cinq étoiles, à 12h45. C’est la première fois que nous sommes dans un hôtel depuis le début du voyage. Le lux que nous trouvons contraste étrangement avec les dix derniers jours que nous avons vécus. La réceptionniste nous remet la carte de notre chambre, glisse un bracelet passe-partout à nos poignets, et nous montre un plan de l’hôtel, qui a définitivement une taille indécente. Nous sommes ensuite amenés en petite voiturette jusqu’à la chambre, quelques mètres plus loin. A mon humble avis, nous aurions pu marcher, mon backpack pèse six kilos, je n’allais pas me tuer avec ça.
Nous découvrons une chambre extrêmement spacieuse, avec une salle de bain qui comporte une baignoire et une douche. Sachant qu’il y a la mer et la piscine proche de nous, je n’en vois pas vraiment l’intérêt. Le lit est si grand que nous pouvons nous perdre dedans. Passer d’1m40 pour deux individus, à 2m00, ça fait un choc.
Nous partons à la recherche du restaurant où se trouve le buffet. Il est déjà passé 13h00. L’endroit est impressionnant. Aurélien me fait remarquer que je suis plus à l’aise dans une casa que dans un cinq étoiles. C’est plutôt vrai, ici j’ai l’impression d’être un australopithèque débarquant à New-York. Il y a tant de chose que je ne sais où donner de la tête et finis par me servir une micro-assiette.
Après le repas, nous prenons nos quartiers autour de la piscine. Je pense que l’hôtel doit être plein à environ un quart de sa capacité. Cela nous laisse amplement de la place dans l’eau et à l’extérieur avec les chaises longues.
La piscine est immense, et un bar se trouve en son centre. Nous enchaînons plusieurs mojito à l’abri du soleil qui cogne fort.
En fin de journée, nous rejoignons nos chambres pour prendre une bonne douche. Nous ratons le couché du soleil et partons mangé vers 20h. A 21h30, il y a un spectacle « Cuban night ». Mise à part les images en fond, il n’y a pas grand chose de cubain, encore moins les danseuses. Je suis crevée, et nous rentrons peu après nous coucher.
Jour 11 - vendredi 6 mai 2022
Nous nous réveillons dans notre lit immense un peu avant 9h00, histoire de pouvoir profiter du petit-déjeuner. Ce dernier est composé plus d’élément salé que sucré, pour le plus grand bonheur d’Aurélien et pour mon plus grand malheur. Je finis par grignoter deux pancakes au goût salée. Ces derniers jours, nous avions gardé l’habitude de jeûner comme nous le faisons à la maison. Chaque casa nous proposait un petit-déjeuner moyennant un supplément bien évidemment.
Après le petit-déj’, nous repassons à la chambre et préparons nos affaires pour la plage. C’est la première fois que nous voyons la mer depuis cet hôtel. Un ponton en bois nous amène jusqu’à la plage. Waouh ! Mise à part les chaises longues qui font tâches, c’est un vrai paradis. Le sable fin, presque blanc, contraste avec la mer d’un dégradé turquoise surprenant. Cela me rappelle l’océan pacifique à Zanzibar en Tanzanie.
Nous nous installons sur les chaises longues, crémons nos corps et courons \240à l’eau. Elle est bien plus fraîche que la mer que nous avons fait à Trinidad, dans le sud. Vu la chaleur extérieure, ça fait un bien fou. Ici, pas un rocher, pas un caillou. Le sable fin de la plage se poursuit jusqu’à s’enfouir sous l’eau salée. Cette dernière, transparente, nous permet de voir nos pieds même une fois que la mer nous caresse le menton. Un vrai paradis. Nous avons beaucoup de chance que l’hôtel ne soit pas plein. Déjà en ce milieu de matinée, les gens se pressent par ici. Cela reste raisonnable au vu du semi-désert que représente l’hôtel.
Un peu avant midi, nous sortons de l’hôtel, nous séchons et allons prendre un mojito sur le bar de la plage. A 12h30, nous allons au restaurant. Il y a toujours une diversité impressionnante de nourriture.
L’après-midi se résume en piscine, bronzette et mojito. Je termine un livre de plus, le quatrième en onze jours.
En fin de journée, nous apprenons qu’un hôtel a explosé à la capitale. Impressionnant ! L’endroit se situe tout proche de notre première casa, nous y sommes passés de nombreuses fois sur nos deux jours à La Havane. L’hôtel, qui n’est que ruine maintenant, était un établissement cinq étoiles où a résidé de nombreuses stars dont Beyoncé. L’explosition, dû à une fuite de gaz, déplore vingt-cinq morts et une trentaine de blessés. Ça m’attriste beaucoup, je pense que le pays a déjà bien d’autres soucis sans avoir à porter ça.
Le spectacle du soir se nomme « Paradise night », avec les mêmes danseurs que la veille. Nous écoutons de loin, plusieurs reprises de chansons connues, qui nous font plus mal aux oreilles qu’autres choses.
Le ventre rempli de Moijito, nous rentrons nous coucher vers 22h30.
Jour 12 - samedi 7 mai 2022
Nous maintenons le cap en mettant toujours le réveil à 9h00. Contrairement à Aurélien qui se lève tous les matins entre 7-8h et qui n’a jamais réussi à gérer cette partie du décalage horaire, pour ma part, je pourrais dormir encore jusqu’à 10-11h.
Aujourd’hui, nous sautons le petit-déjeuner et nous nous dirigeons tout droit à la plage. L’eau nous surprend encore par ses splendides couleurs. \240Nous barbotons un bon moment dans cette eau si claire et propre.
Le restaurant ouvre seulement à 13h00, et nous partons boire un verre au bar de la réception.
Rien de bien passionnant pour la suite de la journée. Comme la veille, nous nous rangeons du côté de la piscine, profitant d’un environnement moins sablé et moins salé. Nous constatons qu’il y a eu plusieurs départs, car l’hôtel semble encore plus vide que la veille.
Nous avons droit à deux rafales de pluie. La première, nous sommes protégés par le parasole, tandis que les grosses gouttes s’écrasent à quelques centimètres de nous. L’averse dure une dizaine de minute, puis le soleil revient à nouveau, brûlant notre peau comme s’il n’y avait eu aucune interruption.
Pour la deuxième averses, nous sommes dans la piscine, près du bar. Nous pouvons continuer de boire notre mojito, à l’abri du toit. Elle ne dure pas plus longtemps, et le soleil se remet aussitôt à briller sur les terres cubaines. Il faut dire que depuis le premier jour de mai, la saison des pluies a commencé. Ce ne sont que les prémices, alors nous ne voyons pas encore de changement depuis notre arrivée. Les pluies vont s’intensifier dans les prochaines semaines.
Vers 18h30, nous rentrons nous doucher. Cela nous permet d’arriver à temps, à 19h30 sur la plage pour le coucher du soleil. Nous découvrons une autre entrée pour accéder à la plage et tombons sur une balançoire suffisamment large pour s’y installer à deux. Peu de gens peuple l’étendu de sable et cela nous laisse le plaisir d’entendre le son des vagues qui se posent les unes après les autres sur la plage. A l’horizon, le soleil descend toujours plus bas, se transformant en boule de feu. Les yeux fermés, j’apprécie plus que jamais la légère brise qui caresse mon visage, les rayons qui éclairent ma peau une dernière fois avant de s’éteindre \240et toujours le bruit des vagues. C’est un vrai bonheur, qui conclut à merveille cette dernière journée entière ici. Le soleil meurt à l’horizon, tarissant la lumière du jour. Déjà au dessus de nous, la lune apparaît dans sa forme croissante, témointe discrète du spectacle que la nature nous a offert à l’instant.
Le spectacle du soir n’est pas plus passionnant ceux des autres soirs. Même dans la commande de nos boissons, nous ne savons plus que prendre. Le côté All Inclusive, avec la consommation poussée à son extrême n’est pas vraiment fait pour nous. C’est marrant trois-quatre jours, mais notre soif d’aventure gronde en nous, nous donnant envie de voir plus loin que les murs protégés de l’hôtel.
Je me retrouve à nouveau crevée en cette fin de journée, tout comme les autres soirs. Je ne sais pas si c’est le soleil et la chaleur, ou juste une fatigue qui ne cède jamais complètement. Il est 22h30 lorsque nous rentrons à la chambre.
Jour 13 - dimanche 8 mai 2022
Dernier réveil dans ce lit immense, il est 9h00. Nous plions bagage. Notre vol n’est prévu que tard ce soir, mais nous rendons déjà la chambre pour être tranquille. C’est l’heure également pour nous de régler nos histoires de transport. Honnêtement, c’est une catastrophe. Je pensais qu’en arrivant dans un cinq étoiles, nous serions soulagés, mais c’est faux. Dès notre arrivée, quelques jours plus tôt, nous avions demandé un transport pour nous rendre à l’aéroport. La réponse de l’hôtel : il n’y en a pas. Il n’y aucune navette organisée par l’hôtel. Quand nous demandons comment font les gens, la réceptionniste nous dit tout simplement que c’est géré par les agences de voyage…. Ah oui, vu comme ça…. Bref, nous sommes une nouvelle fois pénalisée.
Il y a un bureau de change dans l’hôtel, nous nous y rendons. Rien ne marche aujourd’hui, il faut attendre demain… ils sont bien gentils c’t’équipe, mais nous, nous n’allons pas aller bien loin avec ça.
Nous savons que nous allons devoir retirer de l’argent avec le change pourri que nous avons subi au début de notre voyage, et ça nous pèse tous les deux sur le moral.
Bref, nous gardons quand même le sourire et nous dirigeons une dernière fois sur la plage. Tout comme la veille au soir, l’hôtel est vide, et la plage est à nous, ou presque. Nous nous baignons en appréciant encore plus la transparence de l’eau, sa fraîcheur, ainsi que le grain fin du sable. Nous quittons la plage sur les douze coups de midi, et allons boire un verre avant d’aller manger.
L’hôtel nous a coupé le wifi dès que nous avons rendu les chambres. De la part d’un cinq étoiles, c’est plutôt malvenu. Je n’ai pas pour habitude de râler, ayant plutôt une attitude compréhensive quand je voyage, mais j’avoue que là ça fait beaucoup. En fait, l’accès que nous avions pour le wifi, est un accès aux hotspots répartis dans tout le pays. Nous avions un identifiant et un mot de passe personnel, qu’il fallait rentrer à chaque fois que le téléphone se mettait en pause. L’accès est limité à sept heures, qu’il fallait renouveler à chaque fois. Archaïque.
Nous sommes assez perplexe depuis le début par ce pays. Ils ont tous des smartphone, ou presque, dans les casas que nous avons faites, ils ont des TV modernes, loin du tube cathodique du siècle dernier. Par contre, les services de téléphonie sont vraiment en retard et ont de sérieux soucis. Quand je repense à notre voyage en Tanzanie, sur l’île de Zanzibar… Le wifi était disponible dans les hôtels sans restriction et le paiement par carte était accepté partout. Et pourtant, la Tanzanie est bien moins développée que Cuba. C’est intéressant de pouvoir faire ces comparaisons et de se rendre compte que rien est acquis.
Nous gardons le début d’après-midi pour barboter une dernière fois dans la piscine et rôtir ma peau sous la soleil cubain.
A 15h30, le chauffeur de taxi est déjà là. Rapidement la question de l’argent se pose. Il ne veut pas que nous payons en pesos. A cet instant, nous n’avons déjà pas d’argent, et la seule monnaie que nous allons pouvoir avoir, ça sera de la monnaie locale. Un autre gugus intervient dans l’échange pour la traduction. Il nous dissuade de payer en peso, que le change est mauvais, comme si nous cachions une liasse de dollar dans le coffre et une autre sous la casquette d’Aurélien. La lassitude nous gagne, rattrapés par nos débuts de voyage chaotique et toujours ce taux de change merdique.
Le chauffeur accepte de faire un détour par l’ATM de Varadero. Le premier ATM n’a pas d’argent, pas même pour retirer 1500 pesos alors qu’il nous en faut 8’000. Le deuxième est hors service. Et le troisième, c’est le bon. Au final, ce trajet en taxi nous coûte 160.- chacun, au lieu de 50.- chacun. Ça fait mal. Malheureusment, nous n’avons vraiment pas le choix si nous voulons rentrer à la maison. Aurélien a le temps d’échanger avec le monsieur qui l’accompagne au distributeur. Nous ne sommes bien sûr pas les seuls à avoir eu des soucis. Il y a le taux du gouvernement et de tous les services officiels du pays, et puis il y a le taux de change et la valeur de la monnaie du peuple, comme des restaurants et des taxis. 25 pesos pour 1 euro d’un côté et 100 pesos pour 1 euro de l’autre. Comment gérer avec ça ? Le monsieur explique à Aurélien que le gouvernement ne réagit pas suite à la disparition du CUP, le peso convertible, qui était la monnaie des touristes. En résumé : un beau bordel.
168 kilomètres nous séparent de l’aéroport. Le GPS indiquait trois bonne heures pour les parcourir. Je suis surprise de constater que nous arrivons à 18h15, soit 2h15 après notre départ. Soit dit en passant, c’est le meilleur taxi que nous avons eu jusqu’à maintenant. Quand j’entends taxi, je parle principalement de l’état de la voiture qui pour le coup, a peu à envier sur nos voitures de manière globale.
Nous enregistrons rapidement les bagages, le guichet étant presque vide. Pour le contrôle des passeports, bien qu’il y ait peu de monde initialement, c’est d’une lenteur à rivaliser avec un paresseux. Nous prenons notre mal en patience et arrivons finalement au contrôle de la sécurité et enfin du bon côté de l’aéroport.
Il nous reste environ deux heures avant l’embarquement. Notre seul souhait : pouvoir acheter une bouteille d’eau pour l’attente et pour l’avion. Malgré que la plupart des snacks et petits magasins indiquent prendre la carte, nous nous faisons refouler à chaque fois. Que suis-je censée faire ? Crever de soif jusqu’au décollage et à la distribution des repas ? Ou boire l’eau du robinet et tomber malade ? Sinon il y a encore une dernière option : sympathiser avec les agents d’entretien féminins qui s’ouvrent une bière et trinquent devant l’entrée des toilettes.
Nous nous rendons compte qu’ils n’acceptent même pas leur monnaie ! Sans déconner, comment un établissement dans un aéroport peut refuser sa propre monnaie ? Ça me dépasse. Qu’importe, nous trouvons finalement le seule endroit qui prend la carte de tout l’aéroport. Nous croisons le jeune anglais que nous avons rencontré plusieurs jours plus tôt et avec qui nous avons partagé un taxi collectif. Le jour où nous étions entassés dans la vieille voiture américaine en route pour Trinidad. Le monde est petit.
Le temps passe plus vite que prévu, et à 20h45, l’embarquement commence. L’appareil quitte le tarmac cubain une heure plus tard, alors que la nuit est déjà tombée.
Jour 14 - lundi 9 mai 2022
Je peine à trouver le sommeil durant ces huit heures de vol. Non pas que je sois fatiguée, plutôt mon dos qui m’embête. J’arrive à gratter tout juste deux heures, et je devrais m’en contenter. Dans la première partie du vol, j’occupe mon temps au repas et à un film. Durant la deuxième partie, je finis mon cinquième livre depuis le début du voyage.
Nous atterrissons à Madrid à 12h00 heure locale. Nous avons le temps de passer le contrôle des passeports et de grignoter une morce avant de reprendre le vol partant de 15h00 pour Zurich. \240J’arrive à dormir un peu durant ce vol de toute juste deux heures. A 17h10, le géant metallique se pose sur le tarmac suisse et annonce officiellement la fin de nos vacances.
Conclusion : Cuba est, comme vous avez pu le constater, un pays très particulièrement. Ce qui est sûr, c’est qu’il amène un dépaysement garanti, avec un brin de quelque chose qui est unique là-bas. Nous avons parcouru la moitié de l’île, côté ouest. Niveau timing, nous n’étions pas trop mal, sachant que nous bougions régulièrement et qu’il faut aimer ça. Je pense qu’il faudrait rajouter une à deux semaines pour voir le reste de l’île, et idéalement avoir sa propre voiture. Je ne regrette pas de n’avoir pas louer de voiture. La location est chère pour deux personnes, les véhicules sont souvent abîmés. Quant aux routes, il faut un bon GPS, car il y a peu d’indication sur place, anticiper sur l’essence car les stations sont rares et parfois vides, et prendre large au niveau du temps de trajet. Dans les villes, il est quasiment impossible d’avoir une place de parking privée, les voitures sont stationnées à l’arrache sur le côté de la route. Cela implique un haut risque de crevaison et vole, d’autant plus que les plaques sont facilement reconnaissable avec la mention « T » pour « Turista ».
Cuba, avec le parcours que nous avons fait, est un voyage principalement urbain. Les plages sont plutôt rares, et à part celles de Varadero où il faut loger dans un hôtel de luxe, elles ne sont pas toutes jolies.
Nous avons visité Cuba dans un de ses pires moments. Il est difficile pour moi d’imaginer ce qu’adviendra cette île dans les prochains mois. J’espère de tout cœur que l’économie se régularisera et que le tourisme reprendra.
En terme de prix, hormis le taux de change, il y a un contraste impressionnant des coûts. A La Havane, les deux restaurants que nous avons fait, nous ont coûté chacun 60 euros, pour deux repas simples avec boisson. Je me suis rendue compte en relisant mes écrits, que tous les repas d’après, en dehors de la capitale, nous revenait entre 15 et 30.- en enchaînant plusieurs bières et/où mojitos. Avec le recul, la différence me paraît improbable. Comme déjà dit, le prix des taxis est exhorbitant et trou facilement un budget. Les transports en bus sont plus que corrects, malheureusement au vu du peu de tousites, les lignes n’ont pas repris du service comme avant la pandémie.
Et le conseil principal : ne pas se fier au taux de change officiel ! Prendre un maximum d’argent en liquide, des euros ou des dollars. Changez seulement un tier de son argent en monnaie locale, c’est bien assez suffisant. Il faut se renseigner avant sur les réseaux sociaux du taux de la ville. A voir si le CUP finit par s’aligner au taux qu’applique les citoyens ou si le CUC finit par réapparaître. Une nuit en casa vaut entre 20-40.- pour deux personnes pas plus, même avec climatisation et wifi.
Ce voyage nous aura coûté un peu plus de 2’000.- chacun. Comme dirait mon papa, un voyage cher, mais pas très luxueux. Ce prix comprend tout de même, le billet d’avion, le visa, l’assurance voyage, la nourriture, les casa, l’hôtel All Inclusive et tous les transports. Cela aurait pu être pire avec notre connerie du change, mais évidemment, ça aurait aussi pu être bien mieux. Si l’on fait les bons choix au début, il est possible de s’en sortir pour 1’500.- par personne je pense.